Par Emmanuel Argo
Souvent ignoré, le nombre des personnes d’ascendance africaine vivant hors du continent africain est considérable : 350 millions. Il inclut les Afro- descendants historiques, issus de la massive déportation qui a duré trois siècles, et les diasporas africaines installées en Occident au fur et à mesure des migrations plus récentes.
Consciente du poids que pèse cet l’ensemble des 350 millions de personnes, l’Union Africaine a désigné cet ensemble ‘‘sixième région ‘’ africaine, à côté des cinq que sont l’Afrique du nord, de l’est, de l’ouest ; l’Afrique centrale et l’Afrique australe.
L’Organisation des Nations Unies a proclamée « Décennie internationale des personnes d’ascendance Africaine », la période qui va de 2015 à 2024. Malheureusement, cette proclamation n’est pas largement diffusée. Cf. https://fr.unesco.org/decade-people-african-descent/resources
Alors que cette décennie est une décision qui la concerne au plus haut point, l’Etat français reste discret. A ce jour, il n’a posé aucun acte. Ni le gouvernement, ni les régions n’ont programmé de manifestation en faveur de cette décennie. Les officiels français n’en parlent pas. Les médias non plus. Le secteur privé et les associations ignorent cette décennie.
Pourtant, pour au moins deux raisons, la France devrait prendre les devants pour célébrer la décennie des personnes d’ascendance africaine. D’abord, la France est un membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU.
L’autre raison relève de la démographie et de la géographie. L’on estime à 51 millions la population française blanche d’origine européenne, soit 85% de la population du pays ( https://www.worldatlas.com/articles/what-is-the-ethnic-composition-of-france.html ) . Le reste inclut 6 millions de personnes d’origine nord-africaine, et 2 millions d’Afro-descendants, soit respectivement 10% et 3,3% de la population totale de la France.
Géographiquement, cette population d’Afro-descendants français, dont les ancêtres ont subi l’esclavage, est répartie aux quatre coins du globe, notamment en Amérique du Sud, et dans les îles des Caraïbes, d’Afrique. Grâce à cette répartition, l’Etat français possède l’une des zones économiques exclusives et maritimes les plus importantes de la planète.
Aujourd’hui, la population de l’Afrique plus celle des Afro-descendants du monde représente 16 % de la population mondiale. Ce pourcentage augmentera sensiblement pour atteindre plus de son double d’ici la fin du siècle, propulsé par l’exceptionnelle fertilité de cette population. Automatiquement, tout ceci créé d’importants enjeux économiques, culturels, politique, et géopolitique, du niveau national au niveau mondial.
Les membres de la population africaine globale doivent prendre leurs responsabilités. Ce qui m’amène à souligner les faits suivants :
Un, descendant d’Africains déportés au 18ième siècle, j’ai pris les miennes en commençant par créer le concept ‘‘Africa Mundus’’.
Ce concept est opérant dans tous les domaines majeurs de l’activité nationale et internationale. Si sa préoccupation première est le sort des Africains globaux, elle n’est pas indifférente à celui des autres peuples envers lesquels elle marquera toujours sa solidarité.
Deux, aujourd’hui, l’actualité mondiale majeure, c’est la guerre en Ukraine. En fait, la Russie affronte non seulement l’Ukraine, mais le yankeexy, dont le vecteur militaire principal est l’OTAN que commande de fait les USA. Le yankeexy envoie de l’aide militaire et financière aux combattants ukrainiens. Parmi ceux-ci, en nombre et surtout pouvoir non-négligeable, les médias ont noté la présence de bataillons ouvertement racistes. Ils portent des symboles nazis. Ils n’hésitent pas à brutaliser, à torturer, à tuer des personnes non armées. Ils profèrent des menaces contre les Juifs et les Noirs : https://youtu.be/ZoKnhXnp-Zk - https://youtu.be/v3twwFDn0qg - https://www.rt.com/shows/documentary/550947-donbass-conflict-origins-motives/.
Trois, le monde a vu le racisme d’une partie d’Ukrainiens dont des policiers contre les Noirs qui fuyaient la guerre. Hommes, femmes, enfants et même des bébés, ont été refoulés juste parce qu’ils sont noirs.
Quatre, partout où ils se trouvent sur la terre, les hommes et les femmes de bonne volonté doivent œuvrer pour arrêter ce conflit qui peut déraper vers des catastrophes inédites et irréversibles pour l’humanité. Arrêter le conflit c’est limiter les souffrances des populations ukrainiennes et le nombre de morts dans les deux camps.
Cinq, l’importance indéniable des Afriques comme fournisseurs en ressources multiples et indispensables à l’économie mondiale.
Ces cinq faits nous conduisent à nous focaliser aujourd’hui sur une urgente préoccupation : prévenir les pénuries alimentaires, qui dévasteront d’importantes de nombreuses communautés de l’Africa Mundus, si nous n’agissons pas maintenant.
Au terme d’Africa Mundus, il faut promouvoir celui de NégroÉvolution qui contrebalance les clichés permanents de dépendance et de soumission attribués systématiquement aux individus dont la couleur de la peau rappelle le passé esclavagiste.
Désormais, qu’ils soient originaires de l’Afrique continentale ou extracontinentale, ils participent à la marche du monde tant sur le plan intellectuel que sur le plan matériel, et cette reconnaissance doit entraîner parité et partenariat et donc des relations contractuelles et pragmatiques. C’est pourquoi déjà des Etats africains dont le sous-sol détient des richesses minières importantes, comme le Mali ou le Burkina Faso, s’émancipent de l’influence et de l’ingérence de l’Occident, et mettent en rivalité leurs partenaires putatifs au mieux de leurs intérêts.
Tout cela s’inscrit à la fois dans la transition économique et sociétale en cours et dans les changements dus au réchauffement climatique qui affecte déjà certaines régions, provoquant altération d’espaces géographiques et déplacements de populations.
Depuis quelques mois, les feux de l’actualité mondiale sont braqués sur l’Ukraine et la Russie. Examinons les conséquences de ce conflit dans la sphère de l’Africa Mundus.
La neutralité affichée quant à la position des pays de l’Union Africaine concernant le conflit Européen de L’Est, ne traduit-il pas déjà un refus de suivisme systématique pouvant-être considéré comme une forme de NégroÉvolution qui constitue en soi une volonté d’indépendance.
Nous entrons dans une période où l’instabilité et le manque de visibilité dans quelque zone géographique que ce soit, peuvent à tout moment entraîner l’aggravation de conflits latents, du fait d’une très grande interdépendance économique. Souvenons-nous qu’en 2008 la flambée des prix des aliments de base avait fait la Une des médias internationaux et nationaux avec leurs cortèges d’émeutes, de déstabilisation voire de renversements de gouvernements sous différentes latitudes.
Depuis des années, au titre de la Société Civile, je porte des recommandations relatives à la stabilisation des cours des céréales (blé, maïs, millet, riz, sorgho) de base entrant dans l’alimentation des plus démunis dans les régions les plus défavorisées et les plus pauvres de la planète.
La première voix officielle espérée indépendante et de raison ne viendrait-elle pas d’un pays des Afriques. Le Kenya a réclamé que les Afriques soient associées à la recherche de solutions portant sur le désordre mondial du commerce risquant d’entraîner une crise alimentaire. Cette initiative est également évoquée au parlement sud-africain par un de ses membres : Ahmed Munzoor Shaik Emam. Son intervention est appréciée notamment par des Afro-descendants de la sixième région. Aujourd’hui, le Président de l’Union Africaine Maki Sall, envisage de rencontrer les deux parties concernées. Il doit-être vivement salué et soutenu. Sans conteste, après les décolonisations, cette initiative donne le ton d’une Afrique qui s’émancipe à nouveau. En s’invitant à ‘‘la cour des grands’’, privilège réservé à une poignée de pays de la planète, notons que cette renaissance relève du principe de la NégroÉvolution.
Eu égard à la dimension géostratégique de la crise alimentaire qui nous menace tous, il est vivement souhaitable, y compris dans le cadre d’une diplomatie non-gouvernementale, que les six régions de l’Africa Mundus fassent chorus. C’est pourquoi, avec d’autres ressortissants de la Société civile de la sphère Africa Mundus, nous appelons à mettre en place des corridors permettant la circulation de convois alimentaires de première nécessité au départ de la Russie ou de l’Ukraine, et à destination du continent africain sans oublier les populations de la sixième région situées dans l’hémisphère sud comme en Amérique latine, sur le plateau des Guyanes, dans les Caraïbes et à l’opposé dans l’Océan Indien…
En conclusion, il est urgent de savoir lequel des deux dirigeants directement concernés permettra la mise en place des ces corridors pour répondre aux besoins et préoccupations de l’ensemble des ressortissants de la sphère Africa Mundus.
Emmanuel Argo est : Représentant honoraire de la diaspora Africaine, Il a résidé au Royaume Uni.
Ancien membre du conseil du Civil G8 pour le Sommet de Saint- Pétersbourg de 2006. Á ce titre, a été à Moscou, rapporteur général de la séance plénière préliminaire conduite par le Président de la Fédération de Russie : http://www.g8.utoronto.ca/summit/2006stpetersburg/civil8/cg8-council.html
Co-auteur de: NEPAD and the African Renaissance.
-Regional Integration: Economic partnership agreements for Eastern and Southern Africa.
Auteur de : Main basse sur l’argent des pauvres. Merci aux Remitt@nces.
-Nelson Mandela et la naissance de la nouvelle Afrique du Sud.
-La NégroÉvolution.
A préfacé : Qui menace la Paix et la stabilité en Afrique.
Membre du réseau Africa Mundus. www.africamundus.org