Cet article est extrait du journal le Mauricien ( www.lemauricien.com/ )
En 2013, suite à la demande de la FAO, les Nations unies proclament le 5 décembre la Journée internationale des sols. Les amis de la terre se mobilisent de plus en plus pour sensibiliser les gens à la valorisation des sols en vue de leur gestion durable. Conférences, expositions, réunions et animations se multiplient, tirant la sonnette d’alarme sur la dégradation des sols et sur le rôle essentiel de ses ressources pour le bien-être humain. Parmi les animations et mobilisations de 2022, on se rappellera l’impact du Mouvement « Sauvons les sols » (1). Encouragé par plusieurs leaders mondiaux, il a réussi à mobiliser des gens de tous âges à travers le monde en faveur de la revitalisation des sols. Au programme, initiation à la biodiversité et à la multifonctionnalité des sols. Percevoir l’interdépendance entre l’homme et la nature, comprendre l’importance de la matière organique du sol et saisir l’importance des arbres et de l’agriculture sont aujourd’hui essentiels pour l’éducation de la future génération en vue d’une planète saine.
La santé de la terre, un cri séculaire
Oyez, oyez ! Ce cri s’élève des entrailles de la Terre depuis un an ? Une décennie ? Cela fait presque un siècle ! Il est intéressant d’évoquer à ce propos les recherches d’Aldo Léopold, universitaire américain du début du XXe siècle, grand défenseur de la nature sauvage, décédé en 1948. En 2014, ses essais écologiques traduits par Anne-Sylvie Homassel sont publiés dans un recueil intitulé Pour la santé de la terre aux éditions Corti. Ces écrits datant de 1920-1930, montrent le chercheur et l’homme de terrain, prêt à transmettre une pensée écologique par l’éducation. En effet, de par ses fonctions universitaires, il devient le président d’un département de gestion de la faune (Wildlife Management) qu’il crée pour des étudiants en sciences. Ses articles présentent avec précision et clarté les thèmes toujours d’actualité tels que la déforestation des campagnes, l’érosion des terres pauvres, la destruction des marais et des espèces sauvages, les animaux menacés et en voie de disparition. En s’appuyant sur une variété d’exemples, A. Léopold nous décrit la vitalité de la terre avec ses équilibres écologiques et ses chaines alimentaires, très faciles à restituer en schémas pédagogiques pour la génération actuelle. Le chercheur présente la pyramide biotique dont le premier socle est le sol en soulignant l’importance de chaque maillon de la chaine. Forestier passionné d’ornithologie, il accorde une place de choix à la faune avicole. Les oiseaux, comme chaque être vivant, jouent un rôle capital dans la préservation de la nature. Avec d’autres écologistes, A. Léopold va par exemple militer contre la chasse du gibier à plumes et les pesticides agricoles pulvérisés au-dessus des prairies pour préserver des espèces menacées en Amérique du Nord, comme le tétra des prairies. Il nous rappelle le rôle indispensable de certaines herbes perçues comme nuisances végétales. Il dénonce le pillage des forêts et la disparition de la microflore souterraine vitale pour l’enrichissement de la terre. Ce n’est pas trop tard pour agir ! Et si on faisait un tour du côté de la faune avicole.
Oyez, oyez ! Tirons les leçons du passé…
Le dodo ? Hélas ! Il n’a pas pu être sauvé. On a pris conscience de cette perte. Dans les Mascareignes, on protège maintenant la crécerelle, le pigeon des mares, le kato vert, le cardinal de Maurice, la fauvette de Rodrigues, le pétrel de la Réunion. Et ailleurs, qu’ils soient forestiers, marins, arboricoles ou cavernicoles, passereaux des jardins, migrateurs ou chanteurs, rapaces ou domestiques, peu ou prou loquaces, ils maintiennent un équilibre au sein de leurs écosystèmes. Ils mériteraient tous notre attention, que ce soit le flamant rose du lac Nakuru au Kenya, le vaste oiseau de mer, l’albatros cher à Charles Baudelaire, l’hirondelle rustique ou la petite alouette des champs, actuellement en péril et élue l’oiseau de l’année par Wildlife !
Poursuivons notre route avec A. Léopold dans les bois du Wisconsin qu’il cite dans ses recherches. Allons découvrir avec lui, l’oiseau au nom très poétique de gélinotte huppée dont on ne pourrait malheureusement plus suivre le pas élégant et précieux à cause de sa disparition d’une douzaine de comtés. En décrivant la danse nuptiale printanière de la bécasse mâle, lançant des trilles doux au crépuscule, A. Léopold décourage tout chasseur de gibier à plumes ! Il nous invite aussi à regarder la mésange à tête noire, la discrète sittelle, le junco ardoisé, le geai bleu et le bruant de Hudson prendre leur petit déjeuner au soleil… en hiver. Oui, en hiver, lorsque la nourriture se fait rare. Au menu, on leur offre graines de tournesol et autres graminées ainsi que glands fendus et noix. Le sorbier accueille alors un jaseur boréal et l’érable negundo, un gros-bec errant… Pourra-t-on sauver la belle paruline orangée ou les oiseaux limicoles comme le bécasseau maubèche, actuellement en danger ? Fin observateur des interactions dans la nature, le militant écologiste recommande la conservation d’espaces boisés et sauvages comme des prairies, des haies et des forêts ainsi que des étangs à proximité des fermes pour favoriser la protection de la faune avicole. Il attire notre attention sur l’extermination des merles bleus et la disparition des hirondelles dues à la transformation des zones de nidification avec l’abattage des arbres et le surpâturage. Par ailleurs, il souligne l’intérêt des tourbières saines particulièrement favorables à l’interaction entre la flore et la faune. Ces milieux, véritables réservoirs de vie, abritent un grand nombre d’espèces animales et végétales qui sont aujourd’hui classées vulnérables ou menacées. De plus, il faut savoir que la production de la tourbe permet d’améliorer la qualité des sols en l’enrichissant.
Et vivons en harmonie avec la terre !
Tout est lié comme le démontre la pyramide écologique. On apprend que la faune avicole interagit avec les plantes et les insectes. Pour schématiser, on pourrait dire que les oiseaux pollinisent les végétaux qui à leur tour nourrissent l’homme. Ces plantes viennent du sol où logent des insectes détritivores. Tout ceci semble faire écho à la citation d’A. Léopold qui disait que « le sol et le cycle des végétaux sont désormais considérés comme les variables de base qui déterminent l’existence de la flore et la faune, tant domestique que sauvage, de même que la qualité et la quantité des bénéfices que l’être humain peut en retirer ».
Pourquoi ne pas saisir au vol cette réflexion et s’en inspirer ? Et apprendre à observer et respecter la vitalité de la terre pour préserver ce bel héritage qui nous a été légué…
Et pas que le 5 décembre.
Source: www.lemauricien.com/